Recommencer, encore et toujours. Apprendre à canaliser cette magie qui rugissait en moi, combattre cet instinct qui me dictait de faire des choses peu recommandables. Lutter contre ces instincts était parfois difficile, mais c'était ce qu'on me demandait de faire, d'acquérir une certaine discipline, de rentrer dans les rangs. Tous autant qu'ils étaient, ils tentaient de me faire rentrer dans un moule bien trop petit pour moi, j'étais pieds et poings liés, presque inoffensive. Ils étaient loin du compte. En mon for intérieur, en mon âme et conscience, j'étais tout sauf inoffensive. La violence irradiait chaque cellule de mon corps, la haine était mon moteur. J'étais l'illustration parfaite du dicton selon lequel il faut se méfier de l'eau qui dort. J'avais l'air impassible, comme ça, mais j'étais animée par une rage destructrice qui avait besoin d'être libérée, d'exploser, de tout ravager sur son passage. Depuis que j'étais retournée à Poudlard, on m'apprenait à canaliser cette énergie négative afin d'en tirer une énergie positive, ce qui en soi était loin d'être une mince affaire. Pour l'instant, j'y arrivais, je m'efforçais de rentrer dans les rangs, d'être quelqu'un de respectable, mais qui pouvait garantir que j'allais y arriver sur le long terme, que j'étais capable de tenir pendant encore longtemps ? Après tout, ils étaient censés savoir que personne ne pouvait aller contre sa vraie nature. Le duel était en soi une discipline qui permettait d'arriver à un tel résultat. Il fallait suivre un protocole, obéir à des règles précises et impératives, qui pouvaient faire l'objet d'une sanction lorsqu'elles n'étaient pas respectées. La discipline requérait une certaine rigueur. Ce n'était pas un combat à mort où il fallait tuer avant d'être tué. Il fallait respecter son adversaire, le considérer comme son égal et non pas comme une vulgaire cible à abattre. Surtout, il ne fallait pas se laisser déborder par ses pulsions meurtrières, ne pas se laisser tenter par une magie bien plus sombres. Il fallait se battre dans les règles de l'art.
Quand je vis mon adversaire ce matin là, j'eus immédiatement envie de sourire. En ce jour j'affrontais Miss Complots en personne. Parfois, je doutais qu'elle aussi soit seule dans sa tête. À sa manière, elle était complètement jetée, à voir des conspirations partout. Un jour elle allait mourir étouffée par sa paranoïa, c'était certain. Elle était la preuve vivante que tous les fous n'étaient pas enfermés à l'asile. Mais dans le fond, qui étais-je pour la juger sur ce point ? N 'étais-je pas non plus la preuve vivante de cette théorie ? Certes, je me méfiais de Filztter, je ne portais pas les Grey dans mon cœur, mais de là à voir le mal partout...Allez savoir si c'était parce que je ne savais pas bien différencier le bien du mal que ma vision des choses s'en retrouvait quelque peu altérée. Quoiqu'il en soit, je me tenais debout sur cette estrade, toisant mon adversaire avec une certaine hargne, prête à en découdre. Mon sens de la compétition s'était ravivé, mais cela ne devait pas me dispenser de saluer mon adversaire. Je m'inclinai donc légèrement, tandis que Miss Complots faisait de même. Je resserrai mon poing autour de ma baguette lorsque je me redressai, comme si je craignais qu'elle ne m'échappe. Elle n'oserait pas m'attaquer dès que j'ai le dos tourné, si ? Ou alors, crierait-elle une fois de plus au complot lorsqu'elle me verrait gagner ? J'étais confiante, peut-être même un peu trop. Après tout, les séances avec Maureen Filztter avaient aussi ce but, de faire en sorte que je sache où aller, et que je mette tout en œuvre pour atteindre le but que je m'étais fixé, en toute légalité cela s'entend. C'était à moi d'attaquer. Miss Complots attendait que je réagisse enfin, mais je faisais durer le plaisir, exprès. En réalité, j'en profitais pour cogiter sur le sort que j'allais employer pour ouvrir le bal. Ils allaient voir de quoi j'étais réellement capable. Ils voulaient du spectaculaire, ils allaient en avoir. « Fulmino. » lançai-je d'une voix assurée, concentrée comme jamais. Alors Eleanore, tu as peur des orages ? Si tel est le cas, tu ne vas pas être déçue du voyage. Encore fallait-il bien sûr que mon sortilège soit efficacement lancé, et ce n'était pas gagné d'avance. Loin s'en faut.