9 Janvier 1999. Londres.
Il neigeait ce jour-là sur Londres. L’hiver était froid, et Mr & Mrs Mansfield auraient pu être d’heureux parents. Auraient du certainement. Lizbeth voulait cet enfant depuis longtemps, elle qui n’avait pas peur des différences. Elle qui aimait tant son mari, son sorcier de mari, Thomas. Ils s’étaient rencontrés deux ans plus tôt seulement et cet enfant leur était apparu comme une évidence. Tout de suite. Pour renforcer leur union qui n’était qu’à moitié légale pour chacun, un enfant serait un cadeau des dieux. L’accouchement ne s’était pas déroulé comme cela aurait dut être le cas. Lizbeth avait mal, terriblement mal. Thomas n’avait pas eu le temps d’aller chercher un médicomage, ni même un quelconque médecin moldu. Léto arrivait trop vite, beaucoup trop vite. Elle tuerait sa mère. Elle tua sa mère. Lizbeth ne se réveilla jamais de la perte de conscience qui avait suivit l’accouchement. Elle s’était vidée de son sang, là, dans la chambre parentale, sous les yeux de son mari. Simplement. Trop simplement. Léto. Cet être vil et innocent à la fois venait de commettre son premier impair.
25 Juillet 2006. Londres.
Le soleil lui brûlait la peau. Ce n’était pas son premier coup de soleil de l’été. La veille, dans le parc, son bras s’était déjà revêtu d’une teinte écrevisse. Un simple remède moldu avait apaisé les premières douleurs et elle était restée dans sa chambre ce vendredi 25 juillet, à lire. Au soleil. La morsure de celui-ci lui fit lever le regard de son livre. Il faisait tellement chaud, c’était étonnant à Londres. Cette chaleur l’épuisait. Elle aurait voulu que les pages se tournent toutes seules. Comme par magie. En fait, elle aurait aimé que beaucoup de choses se fassent seulement en levant le petit doigt. Sans sa mère, elle participait activement à la vie de la maison et son père n’était que peu souvent là. Auror, il était souvent en mission : la petite avait appris à se débrouiller par elle-même. Quand son regard se reposa sur l’ouvrage, elle fit comme dans un film qu’elle avait vu récemment à la télévision : Mathilda. Elle se concentra sur les pages et essaya de les faire tourner toutes seules.
SBAM !Les pages n’avaient pas bougé. En revanche, les livres de son bureau avaient brusquement traversés la pièce. La petite n’osait pas bouger, de peur qu’un tremblement de terre n’ai soudainement décidé de dévaster la ville. Mais non, rien ne tremblait, rien ne s’effondrait. Le sol ne se mouvait même pas. Elle recommença alors, et cette fois-ci, sa lampe de bureau s’effondra.
Quand son père rentra ce soir-là, Léto accourut lui parler avec animation de ce qui venait d’arriver. Thomas la prit alors sur ses genoux et décida de lui expliquer ce qu’il en était. Sept ans durant, il avait espéré que ses pouvoirs ne se transmettraient pas à sa fille, persuadé qu’il était d’être la cause de la mort de son épouse. Mais Léto était une sorcière, assurément. Et ce n’étaient que les premières démonstrations de ses pouvoirs.
9 Janvier 2010. Londres.
Une lettre venait d’arriver par la cheminée. Une lettre… bizarre. Certes, Léto avait découvert plus d’une chose étonnant depuis cet évènement de juillet quelques années plus tôt, mais une lettre déposée par hiboux, pour elle : c’était bien la première fois. Elle hésitait à l’ouvrir. Thomas n’était pas rentré, et ne le serait pas avant le lendemain, mais il l’avait prévenue. Selon toute vraisemblance, elle devait être recrutée dans une école de magie, Poudlard. Elle espérait que c’était cela. Elle n’osait imaginer la déception de son père si elle était prise dans une autre école (bien qu’elle n’en connaissait aucune autre).
Elle déchira la lettre avec impatience. Oui. L’entête ne laissait pas le moindre doute. Poudlard ! Ca y était ! Léto virevolta dans la pièce, ses bouts de papiers en main. Enfin, elle allait pouvoir apprendre des choses, et utiliser ses pouvoirs ! Son père ne voulait pas qu’elle les utilise ici, chez eux, et encore moins dehors, que ce soit dans le parc ou à l’école. Curieuse comme elle l’était, elle ne pouvait supporter cette ignorance. Il fallait qu’elle le découvre ! Elle ferait ses courses dès le lendemain, avec son père, c’était décidé ! Elle aurait tout ce qu’il fallait pour cette rentrée au plus tôt, comme ça, elle pourrait commencer à lire et à apprendre sur ces matières qui lui paraissaient totalement étrangères.
1er Septembre 2010. Poudlard.
«
Serdaigle ! » La maison des sages et des réfléchis ! Ca lui convenait parfaitement. Poudlard était un lieu magique. Toutes ces nouvelles têtes, ces bâtiments. Tout ici respirait la magie, l’enchantement. Elle savait vaguement ce qu’il s’était passé auparavant dans ces murs. Le nom des héros. Mais ce n’était pas ce qui la fascinait aujourd’hui. Non, pour l’instant, c’était ce plafond qui imitait le ciel. Et ce n’était que le début de ses découvertes. Il y aurait ensuite les premiers cours, les premiers amis, les premières disputes et surtout la montagne de connaissances qui l’attendait à la bibliothèque. Pour les dix années qui s’annonçaient, Léto avait de quoi explorer.
23 Février 2017. Poudlard.
«
Non j’te dis ! Tu ne peux pas faire ça Stannos ! Lâche le ! LACHE LE !! » Le Serpentard n’était pas prêt de lâcher Mark. Pourtant, ça n’avait commencé que comme une querelle de coqs. Mark était le petit ami de Léto, depuis peu, certes, mais elle s’y était beaucoup attaché. Elle ne comprenait pas pourquoi les verts et argents ne cessaient de lui tomber dessus pour le rabaisser et l’humilier au quotidien. Elle en avait assez.
«
Et tu vas faire quoi ? Double yeux ? » On pouvait lire de la fureur dans le regard de Léto, des étincelles s’échappaient de sa baguette. «
Attention, tu vas te faire mal. Laisse faire les grands ! ». Elle en avait assez. Cet imbécile de Stannos allait trop loin. Mais alors qu’elle s’apprêtait à lancer un expelliarmus bien senti à ce dernier, celui-ci lui lança un Silencio. Avec un rictus entendu, pendant qu’un de ses acolyte tenait Mark, sous les yeux paniqués de Léto, il leva sa baguette, comme possédé. «
Tu voulais faire le malin hein ? On va voir qui est le plus malin maintenant ! Sectumsempra ! »
Léto ne connaissait pas ce sort, et ne savait d’où Stannos le tenait, mais le résultat l’horrifia. Mark était tombé à terre, son corps lacéré comme par milles crochets. Il se vidait de son sang. Elle tenta de se jeter pour le secourir, laissant tomber sa baguette, mais le serpentard la rejeta violemment, ajoutant à son premier sort un Bloque-jambe. Pendant que Mark hoquetait cherchant de l’air, devenant de plus en plus blême, les Serpentards riaient. Non… Ils ne pouvaient pas faire ça ! Ce n’était pas possible ! Elle ne le tolèrerait pas ! Jamais !
Quinze minutes plus tard, tout était fini. Mark ne bougeait plus. Il ne respirait plus. Et Léto avait fini par s’évanouir. Un groupe de Gryffondor les trouva tous deux, les coupables ayant fini par prendre la fuite. S’en était trop pour Léto. Sa mère, puis Mark. Elle ne comprenait pas à quoi servait la magie. Plus. Elle rimait avec destruction. Les moldus avaient crée la bombe atomique, mais les sorciers avaient de bien pires armes avec eux. Elle détestait la magie, la honnissait. Une fois sortie de l’infirmerie, elle courut jusqu’au lac noir et jeta le plus loin possible sa baguette. Elle ne voulait plus être sorcière. Elle ne voulait plus entendre parler de la magie. Jamais.
15 Mai 2020. Poudlard.
Léto pleurait aux abord de la Forêt interdite. Pourquoi ? Pourquoi ? Elle n’en pouvait plus. La vie ne l’épargnait pas. Si elle avait vécu au temps de Voldemort, elle aurait compris. Le monde était trop noir à l’époque pour mener une vie heureuse, certes. Mais aujourd’hui ?
Une lettre venait d’arriver de Londres. Une lettre du ministère. Elle n’aimait pas les lettres du ministères. C’était toujours mauvais signe. Ce n’était pas une lettre de son père, ni même une lettre du département des Aurors. Encore moins une lettre du département responsable de l’éducation. Non. Une simple lettre du département du personnel, lapidaire.
« Madame,
Le Ministère est au regret de vous informer du décès de Thomas E. Mansfield au cours d’une mission dont nous ne sommes pas en mesure de vous communiquer le contenu.
Avec nos condoléances les plus sincères,
Le Ministère de la Magie ».
Elle ne parvenait pas à le croire. Non ! Ce ne pouvait être arrivé. Elle n’avait jamais été proche de Thomas, celui-ci l’avait toujours tenue responsable du décès de Lizbeth, mais tout de même. Il était la seule famille qui lui restait. Il avait été sa seule famille. Et maintenant tout cela était terminé. Over and out. Elle ne parvenait pas à le croire. Elle errait en bordure de la forêt. Poudlard. C’était tout ce qui lui restait. Elle qui tentait d’éliminer la magie de sa vie ne voyait plus de porte de sortie. Elle croisa un de ses professeurs, son professeur de Défense contre les Forces du Mal. Elle n’avait jamais été une très bonne élève dans ses cours, seuls ses réflexes étaient efficaces. Le reste… Elle évitait de s’intéresser de trop à ce cours, elle en avait peur.
«
Léto. Qu’est-ce que… ? Tenez. » Il lui tendit un mouchoir, qu’elle utilisa lui tournant le dos. Elle le sentait, il voulait savoir ce qui se passait. Ce n’était pas dans son habitude d’exprimer ainsi ses sentiments en public. «
C’est cette lettre ? » Elle la tenait encore à la main. Elle la cacha immédiatement. «
Vous savez que vous pouvez me parler, je suis une tombe ».
«
Non merci. Enfin… merci quand même » se rattrapa-t-elle. Elle ne voulait pas lui avouer. Cela ne le concernait pas. Elle sentait son regard sur elle, elle avait l’impression qu’il tentait de lire dans ses pensées, elle refusa. Interloquée. «
Je vous ai dit non. »
Il essaya à nouveau, plus violemment cette fois-ci et des images apparurent. La lettre, son père, elle en pleurs, son père, sa mère. Elle cria, le repoussant violemment. «
Qu’est-ce que vous faites !?! »
«
Je ne voulais pas Léto je… Vous avez besoin d’aide vous savez ? Il y a des gens à Poudlard qui… »
«
Je ne veux pas de votre aide » prononça-t-elle avec tout le mépris dont elle était capable. «
Qu’est-ce que vous faisiez là ? ».
«
Je voulais savoir ».
«
Vous êtes legilimens c’est ça ? » Elle ne lui faisait plus confiance du tout. Pourquoi tentait-il de forcer son esprit ? De quel droit ?
«
Désolé. C’est un réflexe. Habituellement personne ne s’en rend compte. » Elle avait envie de lui rire au nez. Imbécile. Comment ne pas se rendre compte que quelqu’un fouillait votre esprit ? «
Vous m’avez résisté ». Elle ne comprenait pas pourquoi il lui disait cela. Elle ne voulait pas qu’il voit sa vie privée, c’était tout. Elle lui avait dit non, mentalement, simplement. Enfin, autant qu’elle avait pu. «
Je crois que vous êtes occlumens Léto ».
Elle le regarda sans comprendre un moment. Occlumens. On ne naissait pas Occlumens. «
Ce n’est pas possible ».
«
Avec un peu d’entraînement vous le deviendriez pour de bon ». Elle ne savait que dire. Cette réflexion lui fit oublier un instant son désarroi et sa détresse. L’Occlumancie. Ca lui semblait parfait. A bien y réfléchir, oui. Voilà une science dans laquelle noyer sa peine.
Octobre 2033. Sainte Mangouste.
Léto marchait d’un pas décidé dans le couloir d’accès à Sainte-Mangouste. Son quotidien la tuait, mais elle l’affrontait bravement. Changer de visage à toute heure de la journée lui faisait perdre son âme. Elle en était certaine. A vrai dire, depuis qu’elle était devenue Occlumens, elle s’était comme coupée du monde. Elle s’en servait pour rester à l’écart, ne pas se mêler aux conversations quand elle ne voulait pas socialiser. Elle faisait son métier, et c’était tout. Elle soignait ses patients. Les seules heures de la journée où elle utilisait son pouvoir étaient les heures de son service à l’hôpital de Sainte-Mangouste, le plus grand du pays. Elle n’utilisait la magie que pour soigner. Le reste du temps, sa baguette était remisée au placard.
Dans son petit appartement londonien, dans le quartier de Paddington, rien ne trahissait ses origines paternelles. Elle avait revendu la maison dès le décès de Thomas pour s’offrir un lieu à part, loin. Elle ne l’avait même pas décoré. Juste un canapé, une cuisine et un vieux lit. Et ses livres. Le minimum vital. Rien ne l’intéressait réellement aujourd’hui, elle n’était pas heureuse. Elle ne se souvenait pas de la dernière fois où elle l’avait vraiment été d’ailleurs. Sauver la vie d’un patient était une satisfaction, mais elle ne dépassait pas quelques minutes. Elle se sentait terriblement seule. Elle ne pouvait pas parler à ses collègues de ce dilemme qui la terrassait. Continuer son travail ou tout abandonner pour vivre une vraie vie de moldu. Elle ne savait pas. Elle ne savait pas ce qu’elle pourrait faire d’autre. Soigner, c’était toute sa vie. Sainte-Mangouste, son seul lieu de socialisation. Sans compter sur ce qui faisait l’actualité, cette tension permanente entre sorciers et moldus… Elle faisait partie des deux mondes, et ne savait plus quoi faire. Incapable de rejoindre l’un et de quitter l’autre. Alors elle se cachait, restait dans la routine de sa vie, comme bloquée dans le temps et dans l’espace. En attendant autre chose… mais quoi ?
Waiting on an angel, one to carry me home
Hope you come to see me soon,
Cause I don't want to go alone.
BEN HARPER - Waiting on an angel | (c) amazingweisz